Page:Baillon - Moi quelque part, 1920.djvu/42

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il tient la surveillance : Vader au rez-de-chaussée près du coffre-fort, Mélanie contre l’étable où sont les vaches, Benooi non loin des hangars aux cochons.

La chambre de Fons est en bois ; c’est une ancienne armoire. Le matelas en remplit le bas. Pour que ce soit vraiment une chambre, Fons y a pendu un Christ avec son buis et tous les soirs il y accroche son fusil. Seulement pour tirer sa culotte, il doit se tenir dans la chambre à côté, qui n’est elle-même qu’un couloir fort encombré parce que Benooi y remise sa farine.

— La nuit, dit Fons, je dors mes portes ouvertes.

Comme les autres, Fons couche sur de la paille d’avoine qui est plus douce que celle du blé. Les matelas, les vrais, bourrés de laine, sont dans les chambres où logent les étrangers.

Cette laine où l’on se vautre, qui sert indéfiniment, dégoûte Fons.

— Moi, dit-il, quand j’ai sué plein ma paillasse, on la rechange.

N’approchez pas de Fons le matin quand il sort de son armoire. Si amis que l’on soit, il vous regardera de travers. Laissez-le d’abord déplier ses jambes, aller jusqu’au bout des champs refaire connaissance avec le soleil, les nuages et la terre.

Après il reviendra de lui-même vous sourire :

— Bonjour.

Comme on pourrait, la nuit, leur voler un cochon, une vache ou des poules, ils ont dissimulé dans les étables, à la grange, à l’auberge, des contacts électriques. Il y en a partout, aux fenêtres, aux portes, aux guichets, à tout ce qui dans une ferme peut s’ouvrir ou basculer. Nombreux, les fils s’enroulent à des poteaux, passent sous le sol, se croisent dans l’air. On se croirait dans une vraie gare. Toutes ces complications aboutissent à la sonnerie dans la chambre de Benooi qui, plus nerveux, a le sommeil très léger. Au premier tintement il serait debout. C’est une installation magnifique : un spécialiste de la ville est venu tout exprès. Seulement, il ne faudrait pas le dire, mais depuis le temps, on aurait dû renouveler les piles.