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Mais je la préfère, moi, cette engeance aux gendarmes. Mes amis le savent bien. À peine ceux-ci, qui avaient une roulotte verte, m’ont-ils souhaité « au revoir », qu’en voilà d’autres, avec une jaune.

Une veille de Noël, elles semblent s’être donné toutes rendez-vous. À midi, il y en avait dix, le soir il en venait d’autres. Cela forma devant ma baraque, sous les sapins, tout un village de roulottes.

Comme c’était également la Noël pour eux, ils l’ont fêtée à leur manière, en mangeant autour de grands feux allumés sous les arbres. Il faisait doux. Couché depuis longtemps, je les écoutais encore chanter et rire.

Sans compter les gosses et les vieux, ils étaient bien soixante : les femmes des gaillardes, les hommes endentés comme des loups. Et pour tout ce troupeau, ils ne m’ont volé qu’une seule poule et, encore, la plus maigre.

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« Mocheu »


Pour dire vrai, quand je raconte que les voisins m’appellent « Monsieur », je me vante. Ils disent : « Menheer ».

Il y a pourtant un Monsieur : c’est Monsieur Leroi.

M. Leroi est arrivé tout jeune de son pays. On ne comprenait pas sa langue. Les déménageurs le hélaient : « Hé ! Monsieur. »

« Monsieur » est resté, mais plus simple, arrangé pour les lèvres d’ici : « Mocheu » ; et Leroi est devenu Lerooi, comme au lieu de Benoît, Benooi.

La ferme de « Mocheu » fait concurrence à la ferme des Trappistes. « Mocheu » n’est pas exactement un agriculteur : il est agronome. La culture, il l’a étudiée dans les livres. Il s’y connaît mieux que les paysans qui l’étudient sur de la terre. Il innove : ce qu’il sème c’est à la machine ; il fourre dans les champs toutes sortes d’engrais, comme de la laine ou de vieux