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POULES

Pour Marie.
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Parlons franc. En ville, avec mon métier, je serais un vilain Monsieur. Ma ferme est une maison de débauches. Je vis, si l’on peut dire, sur des culs de femelles. Mes poules, plus elles forniquent, plus leur patron encaisse. Mais à la campagne, la morale est différente.

J’ai deux cents bêtes. Blanches, en bas jaunes, un bout de ruban rouge sur le côté de la tête, pour un étranger, ce ne sont que des poules. De l’une à l’autre, il ne voit pas de différence. Pour moi, qui les connais, elles ont leur physionomie et leur allure de personnes. Elles méritent chacune leur nom. Telles ressemblent à certaines de mes tantes : je les appelle : « Tante Louise » ou « Tante Ida. » Il y a la « Première couveuse », la « Deuxième couveuse », le « Clown », l’ « Astronome », Dieu sait pourquoi. Il y a « Madame Ratine », une pimbêche, dont je haïssais, dès la ville, le gros ventre. Il y a, j’ose l’avouer à cause de son œil bête, « Mademoiselle Stella », première danseuse à la Monnaie.

Les poules m’aiment parce que je les nourris ; je les aime parce que j’en profite : c’est le rythme social. Quand je pénètre