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Page:Baillot - Ballades, AC, vol. 67.djvu/2

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C’était, il m’en souvient, un bête de dimanche, dans les bois mousseux de Chaville, alors que les Parisiens embourgeoisés nous empêchaient de nous bécoter. Et je t’aimai.

Où avons-nous couché ?

Puis, très fier, à mon bras je te promenai dans tout Paris, toi, fillette vicieuse qui connaissais déjà les écœurements des guinguettes de l’École Militaire.

Oh ! je t’ai tout donné, mes années de jeunesse inutilement paralysées et mon cœur encore neuf ; j’ai quitté mes meilleurs amis, je me suis brouillé avec les vieux de là-bas qui pleuraient de me voir m’envaser profondément. Et toi, tu passais insouciante dans la vie, grignotant de tes blanches quenottes les quelques sous que je gagnais par mon dur labeur. Mais tu ensoleillais ma vie, j’aurais voulu à deux genoux te demander tes volontés, j’aurais volé les morts pour t’acheter des colliers, j’aurais tué un passant pour un de tes sourires.

Va-t’en maudite ! C’est infâme ce que tu as fait, retourne d’où tu viens, voleuse d’amour ! Tu as dû calculer longtemps ta traîtrise pour choisir pour amant mon plus cher ami, le seul qui m’était resté au milieu de l’indifférence de tous.

Oh ! je deviens fou ! Jeanne est morte l’an passé dans un lit d’hôpital, vomissant dans un dernier hoquet des chansons obscènes.

Madame, écrasez des émeraudes dans cette coupe trop petite. Encore. C’est couleur d’espérance l’absinthe.


III


Suis-je donc lâche aujourd’hui, et le premier venu pourra-t-il m’insulter sans que je me révolte ? Je sais très bien que ces gens qui me regardent en ricanant veulent se moquer de moi. Mes habits un peu en désordre, mes manières sans façon ne plaisent pas à ces gommeux imbéciles qui mettent leur bonheur à choisir longuement la couleur de leurs pantalons. Allons, voyons un peu s’il leur reste encore un peu de courage au ventre. Debout, jeunes inutiles, je vais vous faire voir qu’on n’ennuie pas ainsi un pauvre bougre. N’essayez pas de m’arrêter, vous autres, ou je brise tout ici. N’allez-vous pas prendre leur défense et vous mettre vingt contre moi.

C’est bien cela, ils s’en vont maintenant ; je les avais bien jugés et je les savais dignes de toutes les lâchetés. Je vous retrouverai un jour.

Madame, versez des émeraudes dans cette coupe trop petite. Encore. C’est bon l’absinthe.


IV


Que faire maintenant ? Le soleil baisse, plus de printemps. J’en ai assez de la vie. Toujours des déboires, toujours des désillusions. Que suis-je donc sur cette terre, sinon une inutilité encombrante ? Je dois faire place aux autres qui,