Page:Bainville - Bismarck.djvu/121

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pourquoi il avait chargé de ce poste difficile M. de Gontaut-Biron,

Celui-ci ne tarda guère à se rendre compte de la complexité des avis, des opinions et des tendances qu’on montrait au sujet de nos affaires dans le gouvernement de Berlin. Comme état d’esprit, rien n’est plus instructif ni plus curieux.

D’une part, Guillaume Ier était profondément conservateur. Son nouveau titre d’empereur avait même à ses yeux quelque chose de révolutionnaire qui lui déplaisait. Par goût et par habitude, plutôt peut-être que par principe, c’était un souverain de la Sainte-Alliance, partisan de la légitimité universelle. Mais ce point de vue restait pour lui à la fois sentimental et théorique. Il se contentait de regarder les révolutionnaires et les républicains comme des hommes avec lesquels il ne concevait pas qu’aucune espèce de fréquentation fût possible. Et c’est pourquoi Thiers avait bien vu qu’il fallait lui dépêcher un Gontaut-Biron. Quant au reste, le vieux roi de Prusse avait au cœur cette haine, cette crainte, cette jalousie des Bourbons, qui sont traditionnelles dans la maison de Brandebourg. Haine, crainte et jalousie bien fondées, car la maison de France était seule capable d’arrêter les ambitions et les progrès de la maison rivale. Guillaume n’était pas le premier roi de Prusse qui fût partagé entre ce sentiment de basse envie et l’idée de la solidarité des trônes. N’était-ce pas déjà la même hésitation entre deux systèmes qui avait déterminé la retraite de Brunswick sitôt après l’invasion ? N’est-ce pas