Page:Bainville - Bismarck.djvu/178

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cet homme était Lamartine. Quand il s’était agi de voter un crédit pour élever le tombeau de Napoléon Ier, il avait averti la Chambre. Prenez garde, disait-il. Ne croyez pas que

cet ébranlement des imaginations du peuple, que ces spectacles prolongés et attendrissants, ces récits, ces publications populaires, n’ont aucun danger pour l’avenir de la monarchie. — J’ai peur que cette énigme n’ait un jour son mot. Je ne suis pas sans inquiétude sur cette divinisation d’un homme… Sur sa tombe, il faudrait graver ces trois mots : À Napoléon seul, afin qu’ils indiquent à la France et à l’Europe que si cette généreuse nation sait honorer ses grands hommes, elle sait les séparer même de leur race et de ceux qui les menaceraient en leur nom, et qu’en élevant ce monument, elle ne veut susciter de cette cendre ni la guerre, ni des prétendants, ni même des imitateurs.

Lamartine voyait juste. Les écrivains romantiques, les orateurs, les publicistes libéraux servirent, contre la France, la cause de Napoléon III, qui était la cause de la Révolution. Même quand ces libéraux se seront faits ses ennemis par haine de l’Empire autoritaire, ils ne pourront s’empêcher d’applaudir le « serviteur de la cause des peuples », l’artisan de l’unité italienne et de l’unité allemande.

Il reste, — et c’est la moralité machiavélique du livre de M. André Lebey, — que Louis-Napoléon a su utiliser ces éléments-là pour son succès. Et sa méthode fut, en effet, la bonne. Louis-Napoléon et ses amis de la première heure comprirent que le commencement de leur tâche était de propager leurs