Page:Bainville - Bismarck.djvu/224

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nisation militaire en Prusse en dehors des Chambres et du pays, trahissaient d’ailleurs des desseins bien arrêtés et la préméditation d’une nouvelle guerre. Il était naturel que la perspective d’événements nouveaux qui pouvaient modifier l’état de choses créé en Europe par ceux de 1866 fût envisagée à Vienne, non seulement sans préoccupation, mais avec une certaine complaisance et avec la pensée d’une revanche possible.

L’archiduc Albert fut en France, en 1870, le représentant le plus autorisé de cette pensée. On se flattait, l’occasion venue, si l’on ne triomphait de la résistance des ministres hongrois, d’en être quitte pour un changement de ministère et d’entraîner facilement la Hongrie où il existait des sympathies pour la France.

La guerre jugée inévitable, mais à une époque indéterminée et que l’on pouvait différer, fut précipitée contrairement aux prévisions, aux calculs et aux conseils de l’Autriche[1], qu’elle surprenait en état de préparation incomplète. Encore fallut-il nos premiers revers pour arrêter court ces velléités que notre précipitation et notre imprévoyance n’avaient pas entièrement découragées.

« Si au moins, me disait il y a deux jours M. de Beust, vous étiez entrés résolument et immédiatement en Allemagne, malgré l’insuffisance de vos forces et de vos préparatifs, tout pouvait changer, pour nous comme pour les autres. » Après les grandes défaites et les revers irrémédiables, après Sedan et Metz, à la fin de l’année, il existait encore à Vienne un groupe d’hommes considérables, parmi lesquels le ministre de la guerre d’alors et d’aujourd’hui, le général Kuhn, persistant à conseiller la marche militaire sur Berlin. « Une armée de 150,000 hommes, disait-il, y aurait suffi et au delà. » On aurait trouvé en Allemagne l’appoint de 300.000 prisonniers de guerre français, et, quant à la Russie, on la tenait pour hors d’état de réaliser ses menaces.

  1. Mais, il y avait Bismarck qui voulait sa guerre, à son heure, qui n’entendait pas que ses adversaires fussent prêts et qui était résolu à les devancer. La dépêche d’Ems déjouait calculs, prévisions et conseils.