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Page:Bainville - Bismarck.djvu/260

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leur ambition réciproque : il suffisait d’un geste, moins encore, d’une volonté d’abstention nettement formulée, pour arrêter les fracas des convoitises qui s’agitaient autour de nous… Les jeunes gens, les démocrates, les représentants des doctrines humanitaires, qui avaient préparé la révolution de 1848, rougissaient de ces calculs mesquins. Fallait-il imposer à la France le rôle qui avait jadis discrédité l’Autriche ? Le pays qui avait proclamé le premier le droit des peuples deviendrait le garde-chiourme des nations et n’aspirerait à d’autre gloire que celle de continuer la Sainte-Alliance ! Qu’il aidât au contraire les esclaves à briser leurs chaînes, et il trouverait dans leur reconnaissance une garantie plus sûre que dans les calculs mesquins des gouvernements ; les nations satisfaites oublieraient leurs rancunes, et une ère nouvelle de paix et de travail fécond s’ouvrirait sous l’hégémonie morale de la France. — Générosité téméraire et magnanime qui aurait peut-être réussi si elle avait été suivie avec une persévérante loyauté et sans arrière-pensée.


On voit que, depuis Edgar Quinet, la religion humanitaire s’est perfectionnée. Quinet voulait que la France fût « le Christ des nations ». M. Denis ajoute que c’est aussi le moyen de réussir et que les pures intentions morales, le sacrifice sans réticence, ne donnent pas seulement la gloire, et la palme du martyre, mais encore le succès.

Il est vrai que l’on se demande ce que M. Denis ferait du succès lui-même. Nous avons dit qu’il ne s’intéresse pas à la France. La preuve en est qu’après avoir résumé le grand discours prophétique de Thiers du 3 mai 1866, il nie que Thiers exprimât à ce moment autre chose que « les inquiétudes de la bourgeoisie traditionaliste ». En d’autres termes, le patriotisme est affaire de bourgeois et de réaction-