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Page:Bainville - Bismarck.djvu/39

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Malheur à l’homme d’État qui ne trouve pas pour faire la guerre une raison qui soit encore aussi valable après la guerre !

Les parlementaires à qui s’adressait Bismarck s’imaginaient que le hobereau ne parlait ainsi que par passion de partisan, que s’il refusait de combattre l’Autriche, c’était par fidélité aux principes de la Sainte-Alliance. Mais Bismarck voyait déjà les choses sous un angle différent. S’il consentait à se servir encore et du langage et du programme de son parti, son regard s’étendait plus loin. Il se laissait applaudir ou interrompre avec la même indifférence. Le président de la seconde Chambre, Simson, un juif libéral, faisait rire le centre et la gauche aux dépens du chevau-léger poméranien. « L’honorable député de Brandebourg, disait-il aimablement, a des idées originales qui n’éclairent peut-être pas, mais qui tout au moins égayent la Chambre. » À quoi Bismarck ne répondait que par une tranquille profession de mépris pour le système parlementaire. Un jour, rappelé au « respect de la Constitution », il réplique d’un ton de maître, — le ton qu’il aura de 1862 à 1866 dans son grand conflit avec la Chambre :

Je vous remets en mémoire que le jour où nous sommes est l’anniversaire de la Révolution française, 24 février 1848. C’est une date qui nous rappellera toujours comment le régime parlementaire, pourvu des armes les plus puissantes et n’ayant à combattre que de bien faibles forces, n’en a pas moins fait, aux yeux de l’Europe, un fiasco si éclatant qu’il lui sera difficile de se relever jamais de cette chute.