seulement, dérangeait toutes les habitudes d’esprit, ne rentrait dans aucun cadre connu. On ne comprenait pas, par exemple, qu’il avait depuis longtemps jugé Napoléon III à sa valeur et reconnu dans l’exécuteur du testament de Sainte-Hélène le meilleur auxiliaire que pussent trouver l’ambition prussienne et l’unité allemande, une sorte d’allié involontaire, facile à berner par des flatteries et des promesses. On lui reprochait ses sympathies napoléoniennes. On l’accusait de vouloir céder à la France toute la province du Rhin. Il fallut à Guillaume quelque temps et l’exercice du pouvoir pour s’élever au-dessus des criailleries des partis et de l’opinion, et reconnaître que Bismarck avait raison, que c’était de son côté que se trouvait l’intelligence de l’intérêt national.
En attendant, Bismarck passait d’assez mornes journées à Pétersbourg. Son impatience, sa déception, son inquiétude de l’avenir étaient encore aggravées par des difficultés financières, car les revenus de son petit domaine poméranien, ajoutés à son médiocre traitement d’ambassadeur, ne lui permettaient pas de faire très grande figure. Cependant son activité intellectuelle ne se ralentissait pas. Il apprenait le russe, dont la connaissance lui donnerait auprès du tsar et de ses ministres une grande supériorité sur les autres représentants étrangers. Il étudiait les hommes et les choses de Russie. Il se faisait écouter de l’autocrate et de ses hommes d’État. Les trois années de Pétersbourg furent pénibles pour Bismarck. Elles ne furent pourtant