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Page:Bainville - Bismarck.djvu/95

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Aujourd’hui, audience chez l’empereur. Je parlai aussitôt des affaires françaises et je remarquai que l’empereur se trouve sous une influence étrangère, qu’il est conduit dans ses jugements par des influences étranges et étrangères. Il me vanta l’esprit de suite et l’énergie de Mac-Mahon et loua ses efforts pour arrêter le radicalisme. Il affirma tout particulièrement son antipathie pour Gambetta, qui, s’il devenait jamais président, ferait la guerre à l’Allemagne. Bref, l’empereur entra dans des considérations que l’on n’a l’habitude de lire que dans les organes de l’Élysée et du duc de Broglie. Il se plaignit des excès de la presse allemande, même de la presse officieuse, contre le gouvernement français, et exprima la crainte que de continuels coups d’épingle ne lassassent à la fin la patience des Français et ne leur donnassent le motif d’une guerre où tous les torts seraient de notre côté. Je me permis de parler dans un tout autre sens. Entre autres choses, je fis remarquer à l’empereur que je ne pouvais croire que la République de Gambetta entreprendrait la guerre contre l’Allemagne. Pour faire la guerre, il faut des alliances au dehors et, au dedans, un gouvernement indiscuté et l’union du pays. Or Gambetta serait obligé d’entamer la lutte avec le parti clérical, et ce serait le signal d’un conflit qui aurait bien plus d’envergure encore que notre Kulturkampf. Il aurait ainsi beaucoup trop à faire à l’intérieur pour avoir le temps de penser à une guerre avec nous. D’ailleurs, il serait bien difficile à Gambetta de conclure une alliance contre nous avec une puissance étrangère, etc. L’empereur écouta attentivement mes déductions, mais il ne me parut pas convaincu.

M. de Gontaut-Biron avait donc merveilleusement travaillé pour la France. Il avait réussi à ébranler la situation de Bismarck. Il avait profité de l’animosité qui régnait depuis longtemps entre l’impératrice et le chancelier. Il avait habilement exploité les sentiments conservateurs de la cour et