Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/119

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ration avait rendu à la France son rang en Europe, l’ordre, le repos, la prospérité, et que la France semblait ne pas apprécier ces bienfaits.

Nous aussi, nous sommes portés à nous étonner, à distance, que la France, après Waterloo, ne fût pas lassée par de longues années de guerres et de conquêtes inutiles. On aurait pu croire que la Restauration aurait fait goûter aux pays la tranquillité qu’elle lui avait rendue sans rien lui faire perdre en durables profits ni en gloire militaire : l’Espagne, la Grèce, l’Algérie pouvaient satisfaire un peuple, même rendu difficile en fait d’exploits guerriers. C’eût été compter sans la politique des partis, régulièrement installée dès lors. La France ne fut pas plus tôt sortie de la liquidation de l’Empire, que les partis s’emparèrent de la politique étrangère comme de l’arme la plus efficace et la plus meurtrière dans la lutte de tous les jours. Les relations de l’État avec l’extérieur devenant une occasion de guerre civile, un prétexte d’opposition ou de surenchère, c’était la patrie elle-même, avec ses intérêts, sa sécurité, ravalée au rang d’enjeu de la bataille électorale et parlementaire. On vit cela dès la Restauration. C’est sur ce domaine réservé, sacré, de la politique extérieure que la campagne la plus vive fut menée contre Louis XVIII et Charles X. Et pourquoi ce choix ? C’est que les partis d’opposition se sentaient appuyés par le sentiment patriotique induit en erreur, trompé sur lui-même par les souvenirs révolutionnaires et napoléoniens. Flatter ce qu’on a nommé « la manie de la gloire et de la conquête » fut l’entreprise à laquelle se voua l’opposition, sur le thème de la France humiliée par les traités de 1815 et mise à la remorque des puissances absolutistes, de la monarchie payant à l’étranger (selon une légende absurde, mais efficace) les services qu’elle avait, disait-on, reçus de lui. Sans égard à ce qu’avait déjà fait la Restauration, ni à ce qu’elle projetait encore pour réparer, avec l’aide du temps et des circonstances, les dernières conséquences de Waterloo, les hommes de l’opposition libérale ne craignirent pas de recourir à cette arme pour servir leur ambition personnelle, grandir leur popularité et assurer leur gloire à n’importe quel prix.

La surprise que l’acharnement de ses adversaires, parmi lesquels il y avait aussi des légitimistes, causait au sage Villèle,