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CHAPITRE VII

LA GRANDE DUCHESSE DE GEROLSTEIN


« Non, ce n’est pas une vieille politique, c’est une politique éternelle que celle qui conseille de ne pas créer autour de soi de grandes puissances. »
Thiers, Discours du 13 avril 1865.


LE 6 juillet 1866, en ouvrant le Journal officiel, M. Drouyn de Lhuys, ministre des Affaires étrangères, eut un haut-le-corps. La veille, en conseil des ministres ; il avait été entendu que la France ne permettrait pas à la Prusse, qui venait de battre l’Autriche à Sadowa, de disposer de l’Allemagne à son gré et de détruire l’équilibre européen. L’empereur avait reconnu, d’accord avec Drouyn de Lhuys, qu’il était impossible de laisser faire Bismarck et d’accepter une politique qui renversait le statut de la Confédération germanique au profit de l’État prussien. Une démonstration militaire sur le Rhin avait été décidée en principe et le Corps Législatif serait convoqué pour voter les crédits nécessaires. C’est ce décret de convocation que le ministre des Affaires étrangères n’avait pas trouvé au Journal officiel. Pour la seconde fois l’occasion de détruire le militarisme prussien allait être perdue.

Elle le serait volontairement. Napoléon III avait manqué de parole à son ministre pour rester conséquent avec lui-même. En 1855, il avait repoussé l’alliance que lui offrait le jeune François-Joseph. En 1866, il répugnait, pour les mêmes motifs, à prendre le parti de l’Autriche contre la Prusse. Le préjugé hostile à l’Autriche l’emportait et ruinait de nouveau la politique de Drouyn de Lhuys. Plus tard, celui-ci s’est rendu compte des causes qui avaient condamné ses efforts à rester inutiles.