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Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/247

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Dans la soirée du jour où la guerre fut déclarée, le peuple de Paris afflua sur les boulevards. Soudain la Marseillaise, jusque-là proscrite, jaillit, et, d’ordre supérieur, la police laissa chanter. Alors un frisson d’enthousiasme courut cette foule. La légende de 92 se ranimait. L’hymne de la liberté et du patriotisme révolutionnaire semblait une promesse de victoire. Le césarisme lui-même, à cette extrémité, cherchait à se retremper dans ses origines et à reprendre des forces au contact de la démocratie. Mais, déjà, l’image de la République avait surgi de nouveau et le peuple commençait à imputer ses déceptions non pas aux idées d’où était né l’Empire, mais à la dictature que le peuple, vingt ans plus tôt, avait désirée et provoquée. Quand le désastre de Sedan fut connu, la foule, comme en 48, envahit la Chambre. Et ce n’était plus pour récIamerl’affranchissement des opprimés, de l’Italie ou de la Pologne. « La République ! La République ! Parlez-nous de la République », criaient les tribunes à Gambetta qui répugnait encore à l’idée d’une révolution devant l’ennemi. La République, ce serait la défense nationale, la France assurant son salut et gagnant ses victoires toute seule. Valmy, Fleurus ces noms enflammaient les esprits, leur donnaient foi dans de prochains miracles. Et puis, la République proclamée, est-ce que le malentendu n’allait pas prendre fin entre l’Allemagne et la France ? Est-ce que le noble peuple allemand, saisi de respect devant l’image auguste et sainte de la liberté, n’allait pas déposer les armes ? Est-ce que le monde n’allait pas fraterniser à l’une des heures les plus pathétiques de l’histoire, renvoyant dans le passé toutes les formes de gouvernement héréditaire et autoritaire ?…

Espérances entrevues dans un éclair à la proclamation de la République. Espérances aussitôt déçues. Napoléon III était prisonnier, l’Impératrice en exil. La France se gouvernait elle-même. Et pourtant, l’Allemagne continuait la lutte. Sedan, c’était sa victoire. Pour elle, le 4 septembre, la chute de l’Empire, c’était la constatation de cette victoire par les Français. La proclamation de la République à Paris ne produisit pas d’autre effet sur les Allemands. Déjà il était clair que leurs idées marchaient dans un sens opposé à celui des idées françaises et qu’ils