Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/249

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’autre, celle dont la croyance avait survécu, la justice internationale, succombait à son tour. Et, comme en 48, il y eut des hommes qui refusèrent d’accepter ce verdict, de s’incliner devant l’expérience et qui voulurent dresser une protestation de leur rêve.

Ce fut la Commune, recommencement des journées de juin, même révolte suprême d’une foi blessée à mort, même frénésie achevée par des crimes abjects et de vils assassinats. « Pas de capitulation, la guerre à outrance ». Tel avait été le premier cri de ralliement des fédérés, et ce cri les avait conduits à la guerre civile, à brûler Paris sous les yeux des Prussiens. Tandis que Thiers négociait avec la force et cherchait à s’accommoder du fait accompli, Paris démocrate et révolutionnaire ne s’était pas résigné à renier sa mystique. Et il y eut encore, dans l’état-major de la Commune, un Polonais, Dombrowski, pour périr sur les barricades, comme le vieux Delescluze, qui avait marché à la mort en martyr désespéré d’une cause perdue, celle de la révolution idéaliste, celle de 1848. « La Pologne ! la Pologne ! Parle de la Pologne », avaient crié, vingt-trois ans plus tôt, les prolétaires à Blanqui. La Pologne n’était pas délivrée. La France était envahie. Paris flambait. Versaillais et Communards, fils de la même mère, s’égorgeaient entre eux, tandis que deux provinces, un million et demi de Français étaient arrachés à la patrie. Jours de deuil, jours de cendre : tant la religion de la démocratie et de la fraternité des peuples put engendrer de maux.

« La gloire et les nationalités ! » Le programme s’achevait dans un désastre qui ne laissait d’autre consolation que le gloria victis. Car les vaincus avaient été grands. L’esprit guerrier de la race avait reparu dans ces armées improvisées qui avaient créé pour un temps l’union nationale. Si elles n’avaient pas conjuré la défaite, si la démocratie n’avait pas fait ce miracle, elles avaient montré, avec la belle couleur du sang français, la volonté de vivre de la France. Plus tard, ces souvenirs héroïques du courage malheureux sont devenus l’objet d’un culte. Ils ont nourri le patriotisme par la vertu de l’exemple. Dans nos cités, dans nos bourgades, se sont élevés des monuments funèbres et naïfs, où le jeune mobile mourant, taillé dans le bronze ou dans la pierre, tombe entre les bras de la