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CHAPITRE PREMIER

LA MONARCHIE HÉRÉDITAIRE DES CAPÉTIENS ET L’ANARCHIE ALLEMANDE


Dès que la persévérance de plusieurs générations capétiennes eut commencé de donner à la France une figure, le problème des frontières de l’Est se posa. Le royaume, ayant grandi, se heurtait soudain à un monde hostile. L’Allemagne montait la garde devant le Rhin, et c’était vers le Rhin qu’il fallait tendre pour que l’œuvre fût achevée, classique, pour qu’elle satisfît la raison. L’instinct des chefs poussait les ducs de France, héritiers de la tradition gallo-romaine, à refaire la Gaule de César. Et déjà il se révélait que, vers la Germanie, la lutte serait difficile et longue… Si longue, si difficile, qu’au vingtième siècle, loin d’être achevée, elle aura repris dans les conditions les plus inhumaines, les plus terribles qui se soient vues depuis les invasions barbares. Sur cinq côtés de l’hexagone, les successeurs de Hugues Capet avaient donné à la France sa forme et ses limites. Ils ont disparu avant d’avoir achevé leur tâche. Et l’œuvre de tant d’années a même été entamée, compromise, sur cette frontière du Nord-Est et de l’Est où la nation française avait porté si longtemps son effort.

La menace anglaise a existé à plusieurs moments de notre histoire : elle n’est pas la plus grave pour la France. L’Anglais a eu plus d’une fois des intérêts communs avec nous. Entre-t-il en conflit, passe-t-il son canal, on peut le jeter à la mer, le « bouter hors du royaume », le prier de rester dans son île. Mais l’Allemand ? Il vit avec nous porte à porte. Il voisine, il communique avec nos vallées et nos rivières. Faites refluer sur un point la masse germanique avec sa plasticité, elle affluera sur un autre point. La France est en péril d’invasion tant