Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/351

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n’avait que dix-sept ans, mais il était singulièrement précoce. Il jugea bientôt que cette affaire de Sicile était épuisante et sans issue et il s’efforça de la liquider avec avantage et avec honneur. Il appliquait déjà sa maxime : « Nous qui voulons toujours raison garder. » Il n’était pas raisonnable de courir des aventures lointaines lorsque la France n’était pas achevée. Et puis, les dernières croisades, suivies de ces affaires italiennes et espagnoles, avaient été dispendieuses. Il fallait créer des impôts qui mécontentaient le contribuable et demander de l’argent à tout le monde, même au clergé, ce qui fut l’origine des démêlés du nouveau roi avec le pape. C’est la première fois que nous avons à parler d’une crise financière. Mais la Monarchie avait créé des finances, organisé l’administration. Ce qui se faisait autrefois au hasard, les dépenses qu’on couvrait par des moyens de fortune, par des dons plus ou moins volontaires, tout cela devenait régulier. La machine de l’État commençait à marcher, à distribuer de la sécurité, de l’ordre, mais elle coûtait cher. Faire la France coûtait cher aussi. Ces difficultés, que nous connaissons de nouveau aujourd’hui, dureront des siècles.

À beaucoup d’égards, il y a une curieuse ressemblance entre le règne de Philippe le Bel et celui de Louis XIV. Tous deux ont été en conflit avec Rome. Philippe IV a détruit les puissances d’argent, celle des Templiers surtout, comme Louis XIV abattra Fouquet. Philippe le Bel enfin, a été attiré par la Flandre comme le sera Louis XIV, et cette province, d’une acquisition si difficile, l’engagera aussi dans de grandes complications. Il y a comme un rythme régulier dans l’histoire de notre pays, où les mêmes situations se reproduisent à plusieurs centaines d’années de distance.

Cependant l’effet apaisant de l’arrangement conclu par Louis IX était épuisé. Un jour ou l’autre, la lutte devait reprendre avec les Anglais. Ils étaient toujours établis en Guyenne, maîtres de Bordeaux, et c’était une cause de conflits continuels. Il fallait que la France n’eût plus d’enclave anglaise ou que l’Anglais fût maître de la France : l’alternative ne tardera pas à se poser. On dira que, si l’Angleterre avait été sage, elle aurait évacué des territoires nettement français. Mais l’Angleterre, insulaire et maritime, a toujours dû avoir des