Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/353

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conseillers du roi avaient trouvés rudes et imprudents, eurent un effet magique : Adolphe sentit que la France était prête à résister et il n’insista pas. D’ailleurs, Philippe le Bel s’était assuré des concours allemands, selon une méthode désormais classique, et il eut aussi l’appui de la papauté. Véritable conflit européen, où l’on vit en jeu les ressorts et les éléments des futures guerres européennes.

Quand la paix fut signée avec l’Angleterre, au bout de cinq ans, en 1299, l’objet de la lutte, comme il arrive souvent, avait été perdu de vue. Un arrangement fut conclu pour la Guyenne avec Édouard Ier, qui épousa Marguerite de France. Mais la Flandre était désormais le principal souci de Philippe le Bel. Conduit à la conquérir par le développement de la guerre avec les Anglais, il se heurtait à la résistance des Flamands. Ce peuple de tisserands battit à Courtrai la chevalerie française : ce fut la « journée des éperons » (1302). Il fallut organiser une véritable expédition pour venir à bout de la révolte. De ce côté, l’expansion de la France rencontrait des limites. Alors que presque partout les nouvelles provinces s’étaient données joyeusement, une nation se manifestait en Flandre : un jour ce sera la nation belge. Philippe, toujours judicieux, le comprit. Il se contenta de confirmer sa suzeraineté sur le pays flamand et de garder en gage les parties les plus proches de la France, Lille et Douai, plus accessibles à l’influence française : nul ne serait Français par force.

Ces affaires furent une des causes de la célèbre dispute qui éclata entre le pape et Philippe le Bel. En somme le roi de France eût voulu, en toutes circonstances, avoir l’approbation sans réserves de la papauté parce qu’il en avait besoin pour ses entreprises extérieures. Il reprochait à Boniface VIII d’avoir pris fait et cause pour le comte de Flandre et sa fille que le roi avait traités en rebelles et qu’il gardait prisonniers. D’autre part, le pape, chef suprême de la chrétienté, victorieux dans sa longue lutte avec les empereurs germaniques, trouvait naturel de contrôler les gouvernements. C’est ce que Philippe le Bel n’accepta pas et, contre la papauté, il défendit les droits de la couronne et l’indépendance de l’État français.

Boniface VIII ne se contentait pas de reprocher à Philippe le Bel d’avoir touché ou saisi les revenus de l’Église, — le grand