Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/422

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À peu près en ce temps, Catherine de Médicis se comparait à Blanche de Castille qui avait dissous une révolte des grands par son habileté et qui n’avait pas voulu que la Monarchie fût souillée du sang des Albigeois. Pendant cette accalmie, où Charles IX atteignit sa majorité, l’autorité et les traditions royales se relevèrent. La reine mère, qui gardait la haute direction, croyait cette fois avoir trouvé la vraie formule de l’équilibre : un gouvernement catholique avec le respect de la justice légale pour les huguenots. Catherine se flattait d’avoir rétabli la tranquillité du royaume et d’avoir su mieux s’y prendre que Philippe II qui ensanglantait les Pays-Bas. Catherine de Médicis était trop optimiste. La tranquillité était fort incertaine. Le parti protestant n’était pas assez vaincu pour se contenter de la place qui lui était faite et pour ne pas se redresser. Il comptait des fanatiques qui aspiraient à reprendre la lutte et qui, pour ranimer les énergies, exploitaient tous les incidents. Ils finirent par entraîner Coligny qui, s’inspirant à la fois de La Renaudie et de François de Guise, de la conjuration d’Amboise et du coup d’État de Fontainebleau, voulut, avant de recommencer la guerre, s’emparer de la personne du roi. Se proposait-il de dominer Charles IX ou de le remplacer par un Bourbon ? Avait-il les arrière-pensées républicaines que croit découvrir Michelet ? Son échec ne permet pas de le savoir. Malgré l’aveuglement de L’Hospital, qui ne voulait pas croire à tant d’audace, le coup de Coligny fut manqué et Charles IX, après avoir failli être pris à Meaux, put se réfugier à Paris.

Les protestants avaient commis une faute grave. Ils obligeaient la Monarchie à les regarder comme des rebelles, et ils détournaient d’eux le tiers parti qui, avant tout, respectait la couronne. L’Hospital, rendu responsable de ce qui avait failli arriver, dut quitter le pouvoir. L’influence revint aux Guise et la répression commença. L’armée royale était si peu puissante qu’en deux ans, malgré des succès (à Jarnac, où le prince de Condé fut tué, et à Moncontour), elle ne parvint pas à écraser la sédition. Coligny avait pour point d’appui La Rochelle d’où il communiquait par mer avec ses alliés protestants d’Angleterre et des Pays-Bas. Parfois il réussissait à donner la main à d’autres forces calvinistes formées dans le Centre ou dans le Midi, venues de Hollande ou d’Allemagne,