Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/423

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et il parut jusqu’en Bourgogne. Cette troisième guerre civile finit encore par épuisement mutuel. Et puis Charles IX désirait se réconcilier avec les protestants pour des raisons de politique intérieure. Une transaction ne valait-elle pas mieux que ces guerres qui ruinaient la France ? En outre, la maison de Lorraine redevenait bien puissante, bien exigeante, et le jeune Henri de Guise, fils de François, commençait à porter ombrage à la couronne. Au dehors, on avait à se méfier de Philippe II dont « l’alliance catholique » était peu sincère et qui n’était pas fâché que la France s’affaiblît par ses divisions. Toujours conseillé par sa mère, élevé dans la politique du tiers parti, Charles IX, qui avait même eu pour nourrice une protestante, n’avait pas de haine pour les calvinistes. Il désirait se réconcilier avec eux. Déjà il leur avait accordé la liberté de conscience. Par la paix de 1570, il leur donna encore la liberté du culte, sauf quelques restrictions en vue de l’ordre public, et quatre « places de sûreté », La Rochelle, Cognac, La Charité et Montauban.

En somme la Monarchie avait traité avec un parti rebelle comme avec des belligérants. Cette politique, pour réussir, supposait un apaisement général, une vaste réconciliation de famille entre les Français. Afin de l’obtenir, Charles IX voulut commencer par en haut. Le premier prince du sang, c’était le fils d’Antoine de Bourbon et de la reine de Navarre, c’était le futur Henri IV, à qui revenait la couronne si le roi et ses jeunes frères mouraient sans enfants. Henri de Bourbon était protestant. Sa mère, l’ardente calviniste Jeanne d’Albret, l’avait conduit à La Rochelle et il avait fait ses premières armes sous Coligny. On pouvait prévoir une situation très grave le jour où la couronne passerait des Valois aux Bourbons, où le principe héréditaire appellerait au trône un protestant que les catholiques refuseraient de reconnaître. C’était et ce devait être la plus grande des difficultés que la Monarchie eût rencontrées en elle-même depuis ses origines. Il fallait donc aider, préparer la fusion, faciliter la transmission de l’héritage. L’idée de Charles IX, idée à laquelle, malgré toutes les oppositions, il ne renonça pas, fut de donner sa sœur Marguerite en mariage à Henri de Bourbon pour rapprocher les deux branches de la famille.