Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/451

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et commençaient à se disputer les colonies. Il en fallait une enfin pour venir à bout des protestants qui, du port de La Rochelle, mettaient en échec l’État désarmé sur l’Océan.

Tout cela distrayait la France, qui ne pouvait être partout, de l’affaire essentielle, celle d’Allemagne. Jamais nous ne fûmes autant partagés entre la terre et la mer. Mais d’abord il fallait en finir au-dedans avec la rébellion calviniste, avec « ces enragés », comme les appelait Malherbe. Les Anglais, descendus dans l’île de Ré pour leur porter secours, en furent heureusement chassés. On dut encore réduire La Rochelle par un long siège, qui est resté fameux et où Richelieu montra sa ténacité. Du succès de cette entreprise, tout le reste dépendait. Lorsque La Rochelle eut capitulé, après un nouvel échec des Anglais, ce fut un jeu de prendre les dernières places rebelles du Midi. L’année 1629 marqua la défaite finale du protestantisme comme parti politique et comme État dans l’État.

Délivré de ce péril intérieur, Richelieu eut encore à défendre sa situation personnelle contre l’opposition qui se groupait autour de Monsieur et de la reine mère. Assuré de l’appui de Louis XIII après la « journée des Dupes », Richelieu n’en eut pas moins à combattre les intrigues et les cabales auxquelles le frère du roi se prêtait. Cette période offre une singulière ressemblance avec le règne de Louis XI, et Louis XIII eut les mêmes rigueurs pour les séditieux : le maréchal de Montmorency, gouverneur du Languedoc, qui avait pris fait et cause pour Gaston d’Orléans, eut la tête tranchée. Jusqu’à la fin du règne, il y aura, avec un caractère plus ou moins grave, de ces complots et de ces rébellions que l’Espagne encourageait et qui sont, pour ainsi dire, inséparables de toute grande action à l’extérieur, car c’est un moyen d’attaque ou de défense de l’ennemi. La défaite du parti protestant était pourtant le soulagement principal. Les autres agitateurs, les autres diversions, aristocratiques et princières, en étaient rendues moins dangereuses. Et nous qui jugeons l’œuvre de Richelieu par les résultats, nous pensons que le grand ministre, qui est venu à bout de telles difficultés, a dû vivre au milieu du respect, de l’admiration et de la gratitude. Mais si la prise de La Rochelle fut populaire, on est surpris des murmures qu’excita l’exécution de Montmorency, comme plus tard celle de Cinq-Mars et de