Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/452

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son complice de Thou. De même que les victimes de Louis XI, celles de Richelieu ont paru touchantes. Elles sont devenues des figures de roman. « Le peuple, disait le cardinal, blâme quelquefois ce qui lui est le plus utile et même nécessaire. »

L’ordre se trouva enfin à peu près rétabli (et ce concours de circonstances explique les succès futurs) au moment où nous ne pouvions plus nous dispenser d’intervenir en Allemagne. Contre les progrès de la maison d’Autriche, qui reprenait l’œuvre d’unification de Charles Quint, les princes protestants avaient d’abord été secourus par les Danois. Le Danemark vaincu, la Suède prit sa place. Gustave-Adolphe, champion du protestantisme, remporta sur les armes impériales d’éclatantes victoires qui retardaient d’autant l’heure où la France elle-même devrait s’en mêler. Cependant Gustave-Adolphe donnait à cette guerre un caractère de religion qui ne plaisait qu’à demi à Richelieu. Il apparaissait comme le champion de la Réforme et si Richelieu cultivait contre l’empereur Ferdinand les alliances protestantes, il ne se souciait pas d’accroître en Europe la puissance politique du protestantisme et de réunir tout ce qui était catholique autour de la maison d’Autriche. Il y avait une balance à tenir. Pourtant, lorsque Gustave-Adolphe eut été tué dans sa dernière victoire, celle de Lutzen, en 1632, un précieux auxiliaire disparut. Richelieu répugnait toujours à entrer directement dans la lutte : il en coûtait moins d’entretenir les ennemis de l’Empereur par des subsides. Pendant deux années encore, Richelieu recula le moment de prendre part à la guerre. La ligue protestante d’Allemagne, appuyée par les Suédois, tenait toujours. Le grand et puissant général des Impériaux, le célèbre Wallenstein, était en révolte contre Ferdinand et presque roi au milieu de son armée. Richelieu espérait qu’à la faveur de ces événements il avancerait jusqu’au Rhin et réaliserait ce qu’il appelait son « pré carré ». En effet la Lorraine, dont le duc se prêtait aux intrigues de Gaston d’Orléans, fut occupée. Richelieu mit des garnisons en Alsace dont les habitants avaient réclamé la protection de la France, craignant que leur pays ne servît de champ de bataille aux deux partis qui se disputaient l’Allemagne. Mais Wallenstein fut assassiné et l’autorité impériale se raffermit. L’Espagne mit sa redoutable infanterie à la disposition de l’Empereur. Les