Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/459

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de la Fronde l’a appelée « la guerre des honnêtes gens contre les malhonnêtes gens ». Si elle avait réussi, on lui aurait certainement reconnu les caractères intellectuels et moraux d’une révolution véritable.

Lorsque les troubles éclatèrent, au commencement de 1648, l’année du traité de Westphalie, le gouvernement était depuis plusieurs mois en conflit avec le Parlement qui déclarait illégales quelques taxes nouvelles. La raison du mécontentement était toujours la même : la guerre, l’action extérieure, l’achèvement du territoire coûtaient cher. Le Trésor était vide. Il fallait emprunter, imposer, quelquefois « retrancher un quartier » de la rente, ce que les bourgeois prenaient mal comme on s’en douterait si la satire de Boileau ne l’avait dit. Mazarin, tout aux grandes affaires européennes, laissait les finances et la fiscalité au surintendant. Lorsque les choses se gâtaient, il se flattait de les arranger par des moyens subtils. Il eut le tort, quand le Parlement adressa au pouvoir ses premières remontrances, de ne pas voir qu’il s’agissait de quelque chose de plus sérieux que les cabales d’Importants dont il était venu à bout au début de la régence. La résistance du Parlement faisait partie d’un mouvement politique. On demandait des réformes. On parlait de liberté. Surtout on en voulait à l’administration laissée par Richelieu, à ces intendants qu’il avait créés et qui accroissaient l’autorité du pouvoir central. Les hauts magistrats recevaient des encouragements de tous les côtés. Les concessions par lesquelles Mazarin crut les apaiser furent donc inutiles. Le Parlement s’enhardit, et bien qu’il n’eût que le nom de commun avec celui de Londres, l’exemple de la révolution anglaise ne fut pas sans échauffer les imaginations. En somme, le Parlement de Paris, le plus souvent soutenu par ceux des provinces, prétendait agir comme une assemblée souveraine et, au nom des antiques institutions et libertés du royaume, limiter l’autorité de la monarchie, singulièrement renforcée sous la dictature de Richelieu. Les Parlements deviennent dès ce moment-là ce qu’ils seront encore bien plus au dix-huitième siècle : un centre de résistance au pouvoir et d’opposition aux réformes, d’agitation et de réaction à la fois, un obstacle à la marche de l’État.

Le gouvernement avait fini par s’apercevoir du danger. Il