Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/465

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Fronde. Et puis, le traité de Westphalie jouait en notre faveur. Plus d’inquiétude du côté de l’Allemagne. Si Mazarin ne put empêcher l’élection de Léopold de Habsbourg après la mort de Ferdinand, il noua avec une dizaine de princes allemands l’alliance connue sous le nom de Ligue du Rhin qui suffisait à paralyser l’Empire. Enfin Mazarin rechercha l’amitié de Cromwell bien que la France eût donné asile aux Stuarts. Après l’exécution de Charles Ier, oncle de Louis XIV, ni la monarchie française ni la monarchie espagnole n’avaient protesté ni même rompu les relations diplomatiques parce que l’une et l’autre désiraient le concours de l’Angleterre. L’indifférence aux idées et aux régimes était telle que ce fut même la Hollande républicaine qui, pour ses intérêts maritimes, entra en lutte avec la République anglaise. Dans le conflit de la France et de l’Espagne, l’Angleterre, comme au siècle précédent, était l’arbitre. Cromwell opta pour la France parce qu’il trouva bon de ruiner la marine des Espagnols et de leur prendre des colonies : les rivalités coloniales commençaient à exercer leur influence sur la politique de l’Europe.

Le concours anglais, bien que très faible au point de vue militaire, fit pencher la balance en notre faveur. La guerre avec l’Espagne, cette guerre de plus de vingt ans, qui languissait, se ranima, surtout en Flandre. Turenne se retrouva en face de Condé, toujours au camp espagnol, et le battit près de Dunkerque aux dunes. Ce fut la fin. Le traité des Pyrénées fut signé entre la France et l’Espagne en 1659. Et cette paix, autant que la différence des situations le permettait, fut calquée sur celle de Westphalie. Nos acquisitions étaient importantes : le Roussillon et la Cerdagne, une partie de l’Artois, quelques places en Flandre, en Hainaut et en Luxembourg. Mais, dans cette politique de progression modérée qui était la vraie tradition capétienne reprise par Richelieu, l’accroissement de la sécurité ne comptait pas moins que celle du territoire. Il s’agissait toujours d’empêcher la réunion de l’Autriche et de l’Espagne. En manœuvrant pour que Louis XIV épousât l’aînée des infantes, Mazarin empêchait le mariage de Marie-Thérèse avec l’empereur Léopold, mariage qui eût ramené le vieux péril de Charles Quint. Léopold épousa une autre fille de Philippe IV, mais il n’était plus que cohéritier d’Espagne avec le