Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/466

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roi de France. En outre, par une clause du contrat, Marie-Thérèse n’abandonnait ses droits à la succession de la couronne d’Espagne que « moyennant » une dot qui ne devait jamais être payée. Nos espérances sur la Flandre, à laquelle nous avions dû renoncer pour la plus grande part, restaient donc ouvertes, et nous pourrions, si le cas se présentait, — et il se présentera, — nous opposer au transfert à l’Autriche de la succession espagnole. Ainsi, onze ans après le traité de Westphalie, celui des Pyrénées ne nous laissait plus sur le continent d’ennemi redoutable, et, par cette élimination des deux dangers, l’allemand et l’espagnol, plus que par ses conquêtes, la France devenait ce qu’elle n’avait jamais été jusque-là, c’est-à-dire la première des puissances d’Europe.

Il est aussi vain de contester la part de Mazarin dans ce succès que de chercher à la calculer exactement. Il a continué Richelieu. Il avait compris sa pensée. Il a réussi dans des conditions difficiles, malgré la Fronde, et cet Italien a été plus constamment Français que Turenne et Condé. On ne lui a pas pardonné d’avoir aimé l’argent et d’avoir empli ses poches. Des services qu’il rendait, il se payait lui-même. Ce n’était pas délicat. D’une autre façon, des ministres intègres mais maladroits ont coûté plus cher.

En 1661, lorsque Mazarin meurt et que la véritable majorité du roi commence, tout est réuni au-dedans et au-dehors pour un grand règne. Cependant les choses, en France, étaient encore loin d’aller pour le mieux. Comme disait le préambule d’une Ordonnance du temps, le désordre était « si universel et si invétéré que le remède en paraissait presque impossible ». Dans ce désordre, si les puissances féodales avaient été abaissées, les puissances d’argent avaient grandi. Les financiers, les traitants, habiles à mettre les gens de lettres de leur côté, et, par eux, l’opinion publique, étaient devenus un pouvoir inquiétant pour l’État : le procès de Fouquet sera l’acte par lequel Louis XIV, à son début, établira son autorité. Il s’agit, pour le roi, de gouverner lui-même, comme le désire la nation, qui ne veut plus du « ministériat », le demande. Il s’agit, à l’extérieur, de conserver les progrès réalisés, ce qui sera aussi difficile qu’il l’a été de les obtenir, de même qu’il est plus difficile de garder une fortune que de la gagner. À la fin, et dans l’ensemble,