Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/537

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fonctions honorables et tranquilles de la magistrature et soustraire à leurs regards les grands objets de l’administration », il eut les parlementaires contre lui. En somme, Necker en revenait par un détour à Maupeou. Quelque répugnance qu’eût Louis XVI à se séparer de Necker après s’être séparé de Turgot, il n’eut pas de peine à écouter Maurepas, qui lui montra le danger de ce nouveau conflit, sans compter l’inconséquence qu’il y aurait eu à humilier ou à briser de nouveau les Parlements après les avoir restaurés.

Il était bien difficile de sortir de ces difficultés et de ces contradictions, et Louis XVI commençait à être prisonnier de ses principes et à tourner dans un cercle vicieux. Cependant, sous ses artifices, Necker avait caché d’énormes trous. Son successeur, Joly de Fleury, révéla la vérité : c’est à lui qu’on imputa le déficit. Il tomba à son tour avec le conseil des finances qu’il avait institué pour rétablir l’ordre dans les comptes. Après lui, le roi crut qu’un administrateur de carrière, un honnête homme remplirait la tâche : Lefèvre d’Ormesson prit des mesures nettes et franches qui n’eurent d’autre effet que de porter un coup au crédit et de causer une panique. Deux ministres avaient été usés en deux ans. Un homme habile se présenta : c’était Calonne.

Il est resté célèbre parce qu’on l’a regardé comme le fossoyeur de l’ancien régime. À son nom est resté attaché le mot célèbre de Beaumarchais, dont le Figaro faisait fureur. « Il fallait un calculateur, ce fut un danseur qui l’obtint. » De nos jours, on a presque réhabilité Calonne. En tout cas, on a compris ses intentions. C’était un homme adroit, séduisant, qui comptait sur les ressources de son esprit pour dénouer les situations les plus difficiles. Devant le vide du Trésor, il affecta un optimisme qu’il n’avait pas. Connaissant la nature humaine, il pensa que, pour ne pas se heurter aux mêmes oppositions que ses prédécesseurs, il fallait avoir l’économie aimable et non hargneuse : des générosités bien placées, agréables à des personnes influentes, supprimeraient les criailleries et permettraient de sérieuses réformes. En même temps, au prix de quelques millions, il donnerait l’impression de la richesse, il restaurerait le crédit, un délai serait obtenu et les ressources de la France étaient assez grandes pour que