Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/538

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l’État fût hors d’embarras au bout de quelques années. Voilà le secret de ce qu’on a appelé les prodigalités de Calonne : elles partaient d’une méthode assez voisine de celle de Necker. Il est établi d’ailleurs que la grande « mangerie » de la cour a été exagérée, parce qu’elle était visible, mais que, tout compte fait, les « profusions » de Calonne, les dépenses qu’il permit à la reine et aux frères du roi n’excèdent pas ce que Turgot lui-même avait consenti. « C’est dépasser toutes les bornes, écrit le plus récent et le plus impartial scrutateur de notre histoire financière, que de voir dans ses complaisances pour les gens de cour la cause capitale de la ruine des finances. » En somme, pour durer, gagner du temps, seul remède à son avis, Calonne jetait de la poudre aux yeux et quelque pâture aux mécontents.

Mais, comme les autres, il éprouva l’hostilité des Parlements dont le rôle, devant la restauration financière, fut entièrement négatif. Ardents à prêcher la nécessité des économies, ils continuaient par principe de refuser impôts, emprunts et réformes. Là était l’obstacle à tout. On peut donc soutenir de nouveau et avec plus de force ce que nous indiquions tout à l’heure : en relevant les Parlements, Louis XVI a empêché un rajeunissement de l’État, qui ne pouvait avoir lieu sans désordre que par le pouvoir lui-même agissant d’autorité. C’est ainsi que, par sa fidélité aux idées de son aïeul le duc de Bourgogne, Louis XVI a provoqué la Révolution.

En effet, si, sous Louis XV, Choiseul avait flatté les Parlements, si Maupeou les avait brisés, c’était pour ne pas avoir à recourir, dans un conflit insoluble entre la couronne et ces corps indépendants, à l’arbitrage des états généraux. La couronne devait s’en tenir au coup d’État de 1771, ou bien s’appuyer sur la représentation nationale. Louis XVI, hostile au coup d’État, était conduit à adopter le second terme d’une alternative à laquelle il était, depuis vingt-cinq ans, impossible d’échapper. Calonne interpréta correctement la pensée du roi, lorsque, après deux ans de conflits avec les Parlements, il lui suggéra de convoquer une assemblée des notables, un des rouages de la monarchie constitutionnelle et aristocratique qu’avait déjà conçue Fénelon.

Dès ce moment-là (février 1787) la Révolution est en marche. Qu’apporte Calonne aux notables ? Un mélange des idées de