Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/559

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à la Révolution ce qui a peut-être fait le plus solide de sa popularité.

En se vouant au papier-monnaie, l’Assemblée ouvrait ainsi toute une série de conséquences. La confiscation des biens ecclésiastiques en ouvrit une autre. Il est difficile de ne pas voir un lien entre cette mesure et celle que prit l’Assemblée au mois de juillet 1790 lorsqu’elle vota la Constitution civile du clergé. On avait dépossédé le clergé, en partie pour qu’il fût moins fort. On devait redouter qu’il restât fort, parce qu’on l’avait dépossédé. Le second ordre, celui de la noblesse, avait été supprimé, les titres nobiliaires abolis. Le premier ordre (il s’en aperçut un peu tard) devait disparaître à son tour. Pour que le clergé cessât d’être un corps politique, l’Assemblée voulut le mettre dans la dépendance du pouvoir civil. Pour le subordonner au pouvoir civil, elle porta la main sur l’organisation de l’Église. Par là elle attenta aux consciences et créa une nouvelle sorte de conflit. Presque partout, les ecclésiastiques qui avaient prêté serment à la Constitution civile, non reconnue par le Pape, furent reniés par les fidèles. Le prêtre « insermenté » fut le vrai prêtre. En voulant prévenir la contre-révolution, les constituants lui donnèrent un aliment redoutable. Ils allumèrent la guerre religieuse.

Pour renverser tant de choses, pour toucher à tant d’intérêts de traditions et de sentiments, la majorité, combattue par la droite qui comptait des hommes de talent comme Maury et Cazalès, avait besoin d’un appui au-dehors. Elle s’était condamnée, dès la première heure, à demander secours à la démagogie et à ne pas connaître d’ennemis à gauche. Elle regardait Camille Desmoulins et Marat lui-même comme d’utiles auxiliaires par l’impulsion qu’ils donnaient. Aussi ne voulut-elle jamais arrêter les excès de la presse, fût-ce la presse sanguinaire de l’Ami du Peuple. Elle ne voulut pas non plus renoncer à la publicité des séances, interdire les manifestations des tribunes et les défilés, souvent scandaleux, de députations à la barre. Elle ne voulut pas davantage fermer les clubs, les sociétés populaires qui étaient le levain de la Révolution. Elle-même avait pour centre le club des Jacobins d’où partait toute sa politique : ceux qui se sépareront de cette cellule-mère, les Feuillants, les Girondins, seront isolés, puis écrasés. La majo-