Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/56

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Allemagne, il conçut l’idée de dissocier la cause de l’Empereur et la cause catholique. S’étant rendu compte que les princes catholiques tenaient à leur indépendance vis-à-vis de l’Empire ni plus ni moins que les princes et les États protestants, il mit tout son effort à leur représenter que la Contre-Réformation, dont se réclamait Ferdinand III, n’était qu’un prétexte qui recouvrait une entreprise d’asservissement de l’Allemagne aux Habsbourg. Richelieu, en sa qualité de prince de l’Église, et son meilleur agent, le P. Joseph, en sa qualité de capucin, pouvaient utilement tenir ce langage. Ils se servirent de la politique même de Ferdinand III, de l’exploitation de l’idée et du sentiment catholiques en Allemagne par l’Empereur, pour transformer et pour étendre le rôle du roi de France en tant que « protecteur des libertés germaniques ». Le Habsbourg jouant sa chance sur une seule carte, Richelieu fit en sorte que la France apparût au contraire comme la pacificatrice désintéressée et le recours équitable de tout ce qui avait sujet de se plaindre. En un mot, le Bourbon se présenta comme arbitre où le Habsbourg était partie.

L’historien le plus pénétrant de cette période, M. Gustave Fagniez, dans son livre magistral sur le P. Joseph, a mis en évidence le sens du relatif qui anime cette part de la diplomatie de Richelieu. Ni l’homme d’État ne voulut travailler aveuglément pour la cause du protestantisme, ni l’homme d’Église ne voulut être dupe des beaux semblants de la Contre-Réformation. « En réalité, a dit M. Gustave Fagniez, il n’y eut entre la France et le parti évangélique que le lien qui résulte d’actions parallèles contre un ennemi commun. Malgré la force réelle que nos subsides et l’espoir de notre participation aux hostilités ont apportée à la coalition protestante, Richelieu s’est moins appliqué à grouper et à encourager les membres de cette coalition qu’à rompre le faisceau des États catholiques qui, en Allemagne et en Italie, s’unissaient autour de la maison d’Autriche, et à les attirer sous le patronage et la protection de la France. La prédilection, la sympathie, ce fut dans ses relations avec le parti catholique germanique et avec son chef (Maximilien de Bavière) qu’il la mit, c’est là qu’il faut chercher le ressort principal de sa politique. » Richelieu avait refusé de servir les intérêts religieux du protestantisme, repoussé toutes les pro-