Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/57

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

positions de s’associer à la Ligue protestante de La Haye. En un mot, il avait maintenu son accord avec les protestants allemands dans les limites tracées par l’intérêt de la France. De même, il fut inflexible quand on tenta de l’entraîner dans une ligue catholique, de lui faire abandonner les alliances particulières de la France avec tel ou tel État réformé. Il n’entra jamais dans l’idée que le conflit européen pût « se réduire à la lutte de deux religions ». Son choix allait à un « tiers parti » qui garderait l’indépendance de l’Europe centrale et constituerait, pour l’établissement d’une grande monarchie allemande, un obstacle infranchissable. Au lieu des Habsbourg catholiques, il se fût agi, en ce siècle, des Hohenzollern protestants, que la politique de Richelieu se fût appliquée de la même manière et qu’elle eût coïncidé sur tous les points.

Cette politique triompha lorsque le plus important des princes catholiques allemands, l’électeur de Bavière Maximilien, fut entré dans les vues du cardinal. Dès lors il n’y avait plus à craindre que ni l’Allemagne ni le catholicisme européen fussent asservis à la maison d’Autriche. Le Saint-Siège lui-même adhérait au tiers parti. La formule de l’équilibre européen, c’est-à-dire de l’indépendance des États de l’Europe par rapport à l’Empire germanique, était trouvée. De cette indépendance des peuples, à laquelle elle avait si efficacement travaillé, la France se trouvait naturellement devenir la garante. Mais on voit à quel point le rôle du roi de France comme « protecteur des libertés germaniques » avait grandi. D’allié, de complice des séditieux, il devenait le gendarme impartial, l’ami et le protecteur du faible. Catholiques ou protestants, sa justice s’étendait à tous. Mais surtout les populations catholiques, les plus voisines de notre pays, les plus latinisées aussi, les plus assimilables par conséquent, passaient dans notre amitié, on peut même dire sous notre protectorat : ces bonnes relations devaient durer jusqu’à 1870. La Ligue du Rhin, que le cardinal Mazarin noua un peu plus tard, faisait de l’Allemagne rhénane et de l’Allemagne du sud une sorte de marche du royaume. C’étaient des alliés qui formeraient un rempart contre la ruée toujours possible des tribus germaniques plus lointaines et plus barbares, et qui, en même temps, se laisseraient pacifiquement pénétrer par nos