Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/567

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

contre-révolution avec la cause de l’étranger, l’ont sacrifiée à leurs passions. Les émigrés s’aperçurent un peu tard qu’ils avaient aidé à la fois les ennemis de la France et la manœuvre des Girondins.

Dans la nouvelle assemblée, composée surtout de médiocres, les hommes les plus brillants, groupés autour de quelques députés du département de la Gironde dont le nom resta à leur groupe, étaient républicains sans l’avouer encore. Parce qu’ils étaient éloquents, ils avaient une haute idée de leurs talents politiques. Ils croyaient le moment venu pour leur aristocratie bourgeoise de gouverner la France ; l’obstacle, c’était la constitution monarchique de 1791 dans laquelle les Feuillants pensaient bien s’être installés. La Gironde était l’équipe des remplaçants. Les Constitutionnels se figuraient qu’ayant détruit l’ancien régime avec l’aide des Jacobins, la Révolution était fixée. Les Girondins s’imaginèrent qu’ils pourraient recommencer à leur profit la même opération avec le même concours. Et pour abolir ce qu’il restait de la royauté, pour en « rompre le charme séculaire », selon le mot de Jean Jaurès, ils n’hésitèrent pas à mettre le feu à l’Europe.

Si l’on avait le choix entre les pays à attaquer, il fallait, pour discréditer la monarchie, pour la tuer moralement, que cet adversaire fût l’Autriche, alliée officielle du gouvernement français, alliée de famille du roi et de la reine. On était sûr d’atteindre mortellement la royauté en poussant à la guerre contre l’Autriche, en excitant des sentiments toujours vivaces, en invoquant, comme sous Louis XV, les traditions de la politique nationale, les traditions de Richelieu. « La rupture de l’alliance autrichienne, disait un Girondin, est aussi nécessaire que la prise de la Bastille. » En effet, cette rupture portait la Révolution dans le domaine de la politique étrangère, et, par un calcul terriblement juste, elle allait mettre la royauté en conflit avec la nation.

Pour allumer cette guerre, les difficultés étaient toutefois nombreuses. La France n’y avait aucun intérêt. Il fallait en trouver le prétexte. Il s’en était présenté un après la nuit du 4 août. Des princes allemands protestaient contre la suppression des droits féodaux qu’ils possédaient en Alsace : litige qui pouvait s’arranger sans peine par un rachat et de l’argent. Tou-