Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/637

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nationale était rendue encore plus difficile parce que Napoléon avait ranimé les passions des temps révolutionnaires. Durant ces trois mois, les Jacobins, unis aux bonapartistes, avaient pris sur les royalistes une revanche qui détermina à son tour des représailles. Dans le Midi surtout, très antinapoléonien, il y eut de violentes émeutes populaires qui, à Avignon, coûtèrent la vie au maréchal Brune. Le gouvernement de Louis XVIII les réprima par la force, ce qui n’empêcha pas la « Terreur blanche » de devenir un nouveau grief de l’opposition libérale. Il était d’autre part nécessaire de rechercher et de punir les hommes qui s’étaient rendus responsables des nouvelles calamités de la France en se joignant à Napoléon au lieu de l’arrêter comme ils en avaient le devoir. Le procès et l’exécution de Ney furent une de ces « cruelles nécessités » qui s’imposent aux gouvernements, et l’entraînement sentimental auquel le maréchal avait cédé avait coûté trop cher pour ne pas vouloir un exemple. Cependant Ney devint à son tour une victime et un martyr, comme si sa fatale faiblesse, le jour où il s’était jeté dans les bras de son empereur, n’avait pas été cause d’une nouvelle guerre, guerre absurde, sans espoir, où des Français n’avaient péri que pour ramener l’invasion et aggraver les exigences de l’ennemi.

La deuxième Restauration eut ainsi une tâche plus pénible que la première, parce qu’elle dut punir et parce qu’elle eut à compter avec ses propres partisans. Le régime parlementaire ne faisait que de commencer en France. Ses débuts furent si singuliers qu’ils valent qu’on s’y arrête un instant.

L’Assemblée qui fut élue après celle des Cent Jours était ardemment royaliste, si royaliste que Louis XVIII lui-même ne croyait pas qu’on pût en trouver une pareille (d’où lui resta le nom de Chambre introuvable), et qu’on appelait les membres de la majorité les « ultras ». Élue sous le coup de Waterloo et des malheurs publics, cette Chambre était réactionnaire, elle l’était passionnément, elle haïssait la Révolution aussi bien sous sa forme républicaine que sous sa forme napoléonienne, et cependant elle n’en fut pas plus docile envers le gouvernement. C’est d’elle qu’on a dit qu’elle était plus royaliste que le roi, ce qu’il faut entendre en ce sens qu’elle voulut lui dicter sa politique. Louis XVIII pensait que