Page:Bainville - Heur et Malheur des Français.djvu/660

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s’intéressait aux affaires algériennes, à cette acquisition lente et pénible, et elle n’était pas finie qu’il eût voulu tout le Maroc. Là encore, Louis-Philippe fut accusé de lâcheté et de poltronnerie. Un homme d’esprit a dit de cette époque : « La France était dans le genre sentimental bien plus que dans le genre rationnel. » Ce malentendu devait aller en s’aggravant, tandis qu’à toutes les causes de faiblesse de la monarchie de Juillet s’en était jointe une nouvelle. En 1842, le duc d’Orléans avait été tué, par un accident de voiture. Le roi avait soixante-dix ans, l’héritier du trône, le comte de Paris, en avait quatre. Au moindre découragement du vieux roi, le régime n’aurait plus personne pour le soutenir.

Si Louis-Philippe tomba, comme Charles X était tombé, à l’improviste, ce fut pourtant par l’effet de causes complexes, à l’origine desquelles se place la rupture de l’entente cordiale. Cette entente, Louis-Philippe et Guizot, suivant la pensée de Talleyrand, l’avaient conçue comme une garantie de stabilité et de paix pour l’Europe. Mais il était venu au pouvoir, en Angleterre, avec le parti libéral, un ministre, Palmerston, qui abandonnait la politique de conservation européenne à laquelle, depuis 1815, le gouvernement britannique était attaché et qui, partout sur le continent, favorisait les mouvements révolutionnaires et l’idée de nationalité dans la pensée que l’Angleterre aurait intérêt à en prendre la tête. Ainsi, l’Angleterre, après avoir si longtemps tenu la France en suspicion, comme le pays de la Révolution conquérante, favorisait maintenant des agitations qui tendaient à renverser les traités de 1815 et à les renverser là seulement où ils nous donnaient de la sécurité. Bouleverser l’Allemagne et l’Italie, pousser à l’unité de ces deux pays, c’était ouvrir une série de crises et créer des périls nouveaux dont nous serions les premiers à souffrir. La situation était changée du tout au tout. L’entente cordiale perdait sa raison d’être. Elle se brisa sur l’affaire des mariages espagnols, Louis-Philippe et Guizot n’ayant pas admis que le trône d’Espagne sortît de la maison de Bourbon, tandis que Palmerston voulait y placer un Cobourg et soutenait en Espagne le parti radical qui, de longtemps, ne devait cesser de troubler ce pays. La monarchie de Juillet était sage en s’opposant aux révolutions espagnoles, puisque c’était