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CHAPITRE XXI

LA TROISIÈME RÉPUBLIQUE


La défaite et l’invasion avaient renversé Napoléon III comme elles avaient renversé Napoléon Ier. Mais, en 1870, la situation était beaucoup moins simple qu’en 1814 et en 1815. L’opération du 4 septembre ressembla plutôt, dans une certaine mesure, à celle de 1830. Ce point, trop méconnu, doit être mis tout de suite en lumière.

Les hommes qui formaient le gouvernement de la Défense nationale s’étaient empressés d’arrêter l’émeute et de lui soustraire le pouvoir, comme les libéraux après les journées de Juillet. Dès le début, la coupure avec les révolutionnaires avait été nette. Mais, dans ce directoire bourgeois, il y avait aussi deux tendances distinctes. Les uns, comme Jules Simon, Jules Favre, Ernest Picard, étaient des modérés, des politiques. Thiers, qui passait encore pour orléaniste, était déjà très près d’eux. Ceux-là comprenaient que la guerre était perdue et ils songeaient à la liquider le plus tôt possible. L’autre groupe, à la tête duquel était Gambetta, se composait de républicains ardents qui conservaient les traditions jacobines et qui voulaient la guerre à outrance. Le nouveau gouvernement, exactement comme celui de Louis-Philippe, aurait un parti de la résistance et un parti du mouvement. Tandis qu’il subirait des assauts révolutionnaires, il serait divisé sur la question de la paix. La République s’affermit et dura parce que l’insurrection fut vaincue et parce que le parti belliqueux eut le dessous. Thiers, avec son expérience de la politique et de l’histoire, comprit clairement cette situation et c’est ainsi qu’il devint le véritable fondateur du régime nouveau.

Les modérés eurent un moment l’illusion que, comme en