Page:Bainville - Histoire de deux peuples.djvu/127

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la grandeur de la France et le bonheur des peuples. Déplorable présomption…

C’est en exaltant la « maladie de 1815 » que les éléments républicains et bonapartistes, unis par la même pensée qui avait fait de Napoléon l’exécuteur du programme révolutionnaire, ont entretenu l’impopularité de la monarchie de Juillet. Par elle, la France était inactive et humiliée en Europe : ainsi parlaient avec une ardeur persuasive les « patriotes » qui voulaient la guerre contre les rois. « Honte, mille fois honte à l’impertinent et lâche système qui veut proclamer l’égoïsme politique de la France », s’écriait Armand Carrel. La « cause des peuples » enivrait ces fils de 1792. Comme Louis Blanc l’a écrit dans son Histoire de dix ans : « La passion démocratique vivait alors plus de la vie des autres nations que de la sienne propre. » Et c’est Louis Blanc qui a dit encore : « Nous vivions surtout en Pologne. » Non pas seulement en Pologne : la démocratie vivait encore en Italie, en Allemagne — partout, sauf en France. Comme on voit bien que la France n’avait pas alors auprès d’elle la menace d’un vaste Empire militaire, toujours prêt à l’inonder de ses millions de soldats !

Les rêveries, les illusions d’une foule ignorante, d’une jeunesse enthousiaste et mystique, de meneurs exaltés par la lecture solitaire trouvent peut-être une excuse au jugement des Français d’aujourd’hui, sensibles à cette exaltation et à ce lyrisme, quoique les effets s’en fassent cruellement sentir pour nous. Cette excuse n’existe pas pour des hommes mûrs, gourmés, rompus aux affaires, que leur éducation, leur rang social devaient rendre plus sensibles aux leçons de l’expérience qu’aux entraînements du vulgaire. Dans un Parlement qui n’était pas issu du suffrage universel, mais du suffrage restreint, de la bourgeoisie riche et éclairée, Louis-Philippe retrouva les folies de la rue. Elles prenaient sans doute une expression solennelle. Elles empruntaient le langage des hommes d’État. Elles adoptaient le ton de la tribune aux harangues, des académies, des salons. Ces folies