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HISTOIRE DE DEUX PEUPLES

l’autorité qu’il a nommée et qu’il a faite. C’est pourquoi Æneas Sylvius pouvait dire avec ironie aux Allemands : « Vous avez beau appeler l’Empereur votre roi et votre maître, il ne règne qu’à titre précaire. Il n’a aucune autorité. Vous ne lui obéissez qu’autant que vous le voulez bien, et vous le voulez extrêmement peu. »

Le plus grand mal datait du jour où un Empereur animé de louables intentions avait cru tirer l’Allemagne du désordre en lui apportant une Constitution. Car l’esprit constitutionnel, lui non plus, ne date pas du XIXe siècle. Charles IV, en 1356, s’imagina de bonne foi qu’en donnant à l’Empire une Charte, un papier bien en règle, il lui assurait la tranquillité et la puissance. Il avait voulu mettre fin à de vieilles contestations en stipulant une fois pour toutes le nombre et les pouvoirs des électeurs, le lieu et le cérémonial de l’élection. En réalité, il fixait l’Empire dans le désordre, il rendait impossible l’institution d’une monarchie indépendante et forte. Maximilien qui, cent cinquante ans plus tard, essaya de réagir, de tirer l’Allemagne du gâchis, de lui rendre l’unité et la puissance, devait échouer sur la Bulle d’Or. « Jamais, disait-il, peste plus pestilentielle que ce Charles IV n’a sévi sur la Germanie. » Et, de nos jours, un historien anglais, et comme tel fort attaché aux principes constitutionnels, a pu écrire de Charles IV : « Il légalisa l’anarchie et appela cela faire une Constitution[1]. »

Il est un cas historique, illustré cent fois par le roman et par le théâtre, et qui montre les mœurs politiques du Saint-Empire toutes pareilles aux mœurs électorales de tous les pays et de tous les temps. C’est l’élection fameuse où Charles-Quint eut

  1. « Les sept princes électeurs acquirent, avec l’extension de leurs privilèges, une prédominance marquée et dangereuse en Allemagne… Ils étaient autorisés à exercer des droits régaliens absolus dans leurs États ; leur consentement était indispensable à tout acte public de quelque importance… Ils eurent bientôt leur large part de cette vénération populaire qui entourait l’Empereur aussi bien que de ce pouvoir effectif qui lui manquait (Bryce). » Nous avons également assisté, dans la France contemporaine, à l’abaissement du pouvoir exécutif, tandis que l’autorité véritable passait à l’élément électif.