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LES CAPÉTIENS ET L’ANARCHIE ALLEMANDE

combinaisons, la « politique », dans le sens le plus décrié du mot, se substituaient au mérite, qui n’était pris en considération d’aucune manière. C’est ainsi qu’après quelques succès suivis d’échecs la maison de Habsbourg, à partir de 1438, et sauf une courte interruption de cinq ans au XVIIIe siècle, parvint à garder le mandat impérial, à combiner l’hérédité avec l’élection. Nous avons vu de la même manière, dans notre démocratie républicaine, des sièges de députés se transmettre de père en fils. Mais les convoitises, les calculs, les intérêts de l’élu étaient trop apparents, ses concessions à l’électeur trop nombreuses et trop criantes. Il en résulta que le mandat impérial souffrit du même discrédit qui, de nos jours, en France, a fini par atteindre le mandat législatif. L’Empereur, cette « moitié de Dieu », fut frappé d’une diminution de même nature que celle à laquelle nos parlementaires n’ont pas échappé. La faiblesse et l’anarchie sans cesse aggravées dans lesquelles tombait l’Empire n’étaient d’ailleurs pas faites pour valoir aux Empereurs la gratitude ni l’admiration des peuples.

La monarchie élective, la présidence à vie, qui a ruiné tour à tour la Bohême, la Hongrie, la Pologne, n’a pas produit de meilleur effet sur l’Allemagne. Elle l’a terriblement affaiblie, sans lui apporter cet équilibre entre l’autorité et la liberté qui a fait recommander quelquefois ce système et lui a valu des partisans. « L’influence de la couronne, dit encore James Bryce, ne fut pas tempérée mais détruite. Chaque candidat fut forcé à son tour d’acheter son titre par le sacrifice de droits que possédaient ses prédécesseurs et dut recourir encore, un peu plus tard dans son règne, à cette politique ignominieuse pour assurer l’élection de son fils. Sentant, en même temps, que sa famille ne pouvait s’asseoir solidement sur le trône, il en usait comme un propriétaire viager fait de ses terres, cherchant uniquement à en tirer le plus large profit actuel. Les Électeurs, ayant conscience de la force de leur position, s’en prévalurent et en abusèrent… » Abus tout naturel : l’homme a peu de tendance à respecter