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Page:Bainville - Histoire de deux peuples.djvu/39

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HISTOIRE DE DEUX PEUPLES

Hohenzollern ont acquis au XIXe siècle, c’est-à-dire la domination de l’Allemagne. Il s’agissait d’empêcher que l’Allemagne ne fît son unité comme la France avait fait la sienne. C’était une œuvre réaliste, inspirée par le bon sens, dominée par la notion de l’intérêt national. En même temps, l’humanité et la civilisation devaient y trouver leur compte : à l’issue de la guerre de Trente Ans, lorsque la force allemande fut brisée pour de longues années, l’Europe connut une de ses plus belles périodes. Après les épreuves que le germanisme en liberté vient de faire subir au monde européen, on admirera la clairvoyance d’une politique qui consistait à désarmer la barbarie germanique, à rogner les griffes de la bête.

À cette politique, le peuple français s’est associé le plus souvent de toute son âme. Quelquefois, pourtant, il l’a entravée ou retardée. Plus tard, il en a compromis les résultats et il en a presque complètement perdu l’intelligence.

C’est ainsi qu’on a travesti d’une façon bien extraordinaire les projets que nourrissait Henri IV, et dont l’exécution était déjà commencée lorsque le couteau d’un fanatique le mit à mort. On a prétendu de nos jours que Henri IV préludait à la politique de la Révolution et des Napoléons, qu’il voulait distribuer l’Europe selon le principe des nationalités. Heureux quand on n’a pas soutenu qu’il se lançait dans cette grande entreprise, mûrie avec son ministre Sully depuis huit ans, pour satisfaire une passion amoureuse. La vérité est que le Bourbon relevait le plan des Valois, abandonné pendant la période de guerre civile et d’anarchie à laquelle son arrivée au pouvoir avait mis fin. Henri IV se proposait ce que Richelieu devait réaliser plus tard : l’abaissement de la maison d’Autriche. Mais sa disparition, la minorité de son fils, la fin de sa bienfaisante dictature introduisaient la France dans une nouvelle phase républicaine. Encore une fois, les divisions, les intérêts particuliers reprenaient le dessus. Il faudra attendre que Louis XIII soit un homme, qu’il soutienne un grand ministre de son autorité, pour