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LES TRAITÉS DE WESTPHALIE

auront vaincu leur naturel seigneur, ils tourneront les vôtres contre vous. » Friedenbourg soutenait avec éloquence la thèse de la solidarité des trônes, qui n’est pas moins décevante que celle de la solidarité des puissances libérales et des démocraties. Mais, en un sens, ses arguments portaient juste. Le péril protestant, au moment où il parlait, était grave pour la France. À l’alimenter en soutenant la cause des réformés d’Allemagne, on eût couru de grands risques. Richelieu lui-même, une fois devenu le maître, commencera par briser le protestantisme comme puissance politique avant de passer à l’action extérieure et de reprendre la politique française en Allemagne suivant les principes éprouvés. L’œuvre européenne de Richelieu a dû être précédée d’une période de dictature, d’assainissement, de rétablissement de l’ordre à l’intérieur.

Sans chercher les rapprochements historiques, ils s’imposent sans cesse à nous, et par la force des choses. La France n’a pas cessé d’occuper la même situation géographique, d’être entourée des mêmes voisins, de se trouver dans la même position par rapport aux problèmes européens. Or, dans les mêmes cas, les mêmes manœuvres déterminent nécessairement les mêmes conséquences. Si Louis XIII ne s’était pas résolu, par le brillant plaidoyer de Friedenbourg, à prêter à l’Empereur le concours de ses armes, il avait observé la neutralité, comme Napoléon III en 1866. Comme alors aussi le réveil fut pénible. On a souvent parlé du coup de tonnerre de Sadowa : cette image s’applique exactement à la bataille de la Montagne Blanche. Lorsque le roi de Bohême eut été écrasé par les années de Ferdinand, on comprit que l’Empereur venait de recevoir un surcroît de puissance redoutable, que le péril de la maison d’Autriche renaissait. Les ambassadeurs et ministres du roi en Allemagne envoyèrent à Paris des avis pressants. Ils représentaient qu’on avait fait fausse route en restant neutre, en n’appuyant pas la Bohême et la ligue protestante contre l’Empereur. Au nom de la « raison d’État », au nom de l’intérêt de la France, ils demandaient un