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Page:Bainville - Histoire de deux peuples.djvu/84

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entre ces deux principales puissances ne doit plus être une raison d’État ». L’instruction que Bernis rédige sept ans plus tard pour l’ambassadeur du roi à Vienne expose l’ensemble des raisons par lesquelles le roi s’est décidé à franchir le pas et à se rapprocher de la Cour de Vienne. C’est tout un mémoire d’un sérieux et d’une profondeur de vues sans défaillances. L’homme qui était chargé de remplir cette mission était d’ailleurs un des mieux doués, un des plus capables de son temps : ce n’était pas un autre que Choiseul. Les points principaux de l’instruction qu’il emportait étaient les suivants :

En s’unissant étroitement à la Cour de Vienne, on peut dire que le Roi a changé le système politique de l’Europe ; mais on aurait tort de penser qu’il eût altéré le système politique de la France. L’objet politique de cette couronne a été et sera toujours de jouer en Europe le rôle supérieur qui convient à son ancienneté, à sa dignité et à sa grandeur ; d’abaisser toute puissance qui tenterait de s’élever au-dessus de la sienne, soit en voulant usurper ses possessions, soit en s’arrogeant une injuste prééminence, soit enfin en cherchant à lui enlever son influence et son crédit dans les affaires générales.

Suit un historique des conflits de la maison de France avec la maison d’Autriche depuis Charles-Quint. « Le Roi a suivi jusqu’en 1755 les maximes de ces prédécesseurs. » De toutes parts, en Allemagne, en Espagne, en Italie, les Habsbourg ont été battus et refoulés. La France a grandi sur leurs ruines. Louis XV a encore accru le royaume du duché de Lorraine et de Bar, l’Alsace et la Flandre française ont été mises en sûreté par la démolition de Fribourg et des principales forteresses de la Flandre autrichienne. Mais que s’est-il produit en ces derniers temps ? Ici, l’instruction devient lumineuse et presque prophétique. On croirait qu’elle a été faite pour détourner Napoléon III de travailler au bien du Piémont et de la Prusse.

Pour opérer de si grandes choses, Sa Majesté se servit, en 1733, du roi de Sardaigne et, en 1741, du roi de Prusse, comme le cardinal de Richelieu s’était servi autrefois de la couronne de Suède et de plusieurs princes de l’Empire, avec cette différence cependant que les Suédois, payés assez faiblement