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LE JEU DE TRENTE-DEUX CARTES

espoirs seraient permis. S’il en est autrement, on sera conduit à penser que la guerre contre la Pologne et les associés de la France a été plus populaire que la guerre contre l’Allemagne et que si Lénine a réussi là où s’était brisé le tsar, c’est peut-être que la politique extérieure de l’un répondait mieux que celle de l’autre aux aspirations, même inconscientes, des masses russes. Dans cette incertitude, nous serons réduits longtemps aux tâtonnements vis-à-vis de la Russie et la confiance gratuite que nous met­trions dans une Russie meilleure risquerait d’être trompée. Il serait au moins téméraire de compter sur son alliance prochaine et de sacri­fier quoi que ce fût d’assuré à l’espoir de cette alliance. L’expectative et la méfiance seront plus saines et, vis-à-vis de la Russie, la politique la plus sage consistera probalement à tenter de la neutraliser dans la mesure du possible.

Reste la Roumanie, le dernier en date des Alliés que nous ayons trouvés pour la guerre. Son exemple est instructif. Il s’agissait d’un État organisé par cinquante ans d’un règne pai­sible et qui occupait un rang très honorable en Europe. Par ses ressources, sa civilisation, son administration, ses finances, il était nettement supérieur à la moyenne des petits États. Cependant, abandonné par les Russes, il a subi le même sort que la Serbie et son rôle militaire a été terminé en peu de temps. Il ne peut pas y avoir de cas meilleur ni plus favorable d’al­liance avec un peuple dont la population et les