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CONSÉQUENCES POLITIQUES DE LA PAIX

d’apparence scientifique qui a obtenu un succès de curiosité et de scandale par les paradoxes dont il est rempli. Il est devenu le manuel de tous ceux qui désirent que l’Allemagne ne paye pas ou paye le moins possible les frais de son entreprise manquée. La thèse de Keynes est bien connue. Elle a exercé une action certaine sur l’opinion et sur le gouvernement britan­niques. Ce qui est curieux, c’est que le premier auteur qui se soit appliqué, de son point de vue spécial, un point de vue de financier, à étudier les suites de la paix, ait été conduit à des con­clusions pessimistes. Il est vrai que ce pessi­misme est unilatéral. Keynes voit noir pour les pays vaincus. Il est optimiste pour les vain­queurs. Son évaluation des dommages que la France a subis est très basse. Il estime que nous relèverons nos ruines à beaucoup moins de frais qu’on ne calcule en général. C’est le sort de l’Allemagne qui lui donne du souci. Et il répète comme un lugubre refrain que si l’Al­lemagne n’est pas ménagée, si elle ne se relève pas avec la complaisance et l’appui des nations victorieuses, l’Europe tout entière tombera dans la détresse et dans le chaos.

Dans son épilogue, Keynes parle de « ces courants inconnus qui coulent sans cesse sous la surface de l’histoire politique et dont nul ne peut prévoir les résultats ». Pour lui (sa pensée est claire et elle se dégage de tout son livre), ces courants sont déterminés par les forces économiques et par elles seules. C’est un autre