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fautes des choses et faute des hommes

par ailleurs. C’était le point principal de la paix. Il a échappé aux négociateurs, et l’attention publique, fixée sur les détails quand ce n’était pas sur les vétilles, ne l’a pas davantage saisi.

D’ordinaire, en politique, les effets sont aperçus quand ils commencent à se produire, c’est-à-dire quand il est trop tard. Le principe de causalité, qui tourmente à peine les hommes, est encore plus indifférent aux peuples. Il est naturel que des démocraties aient conclu une grande paix sans se soucier des répercussions. Dans les contes arabes, si peu philosophiques, il y a une fable qui n’exprime pas mal ce fatalisme enfantin. Un voyageur, dans le désert, jette innocemment autour de lui les noyaux des dattes qui ont composé son repas. Soudain un génie effrayant se présente à sa vue et lui dit : « Dans le temps que tu jetais tes noyaux, mon fils passait. Il en a reçu un dans l’œil et il en est mort. C’est pourquoi je vais me venger ». Pour que les conséquences apparaissent aux nations, il leur faut des catastrophes ou le recul de l’histoire. Elles se résignent à vivre entourées de forces invisibles, comme les génies des Mille et une Nuits, qu’elles blessent sans le savoir et qui exigent des comptes tout à coup.

On s’est à peine occupé des conséquences de la paix. Nous voulons dire des conséquences politiques, car un auteur anglais a prétendu en montrer les conséquences économiques. L’ouvrage retentissant de Keynes est un pamphlet