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CONSÉQUENCES POLITIQUES DE LA PAIX

mer sur le modèle de la leur. Et comme les Germains, à l’est et au centre de l’Europe, étaient les exploiteurs et les oppresseurs des Slaves, il ne paraissait pas douteux que l’Allemagne dût, tôt ou tard, avoir affaire au slavisme non seulement coalisé, mais devenu, comme les Allemands eux-mêmes, une seule nation.

C’est ce que Renan annonçait à Strauss en lui montrant toutes les populations slaves, des millions et des millions d’hommes, Serbes, Croates, Moraves et Tchèques, groupés « autour du grand conglomérat moscovite, noyau désigné de la future unité slave » (de même que la Prusse avait été le noyau de l’unité allemande), et lancés tous ensemble contre l’Allemagne à la revanche d’une oppression séculaire. Renan, — était-ce oubli, sagesse ou prudence ? — omettait les Polonais. Il avait raison : l’alliance franco-russe ne pouvait se fonder que sur l’oubli de la question polonaise.

Une idée simple, une image forte agissent longtemps sur les esprits. La vision grandiose de Renan a été pour beaucoup dans la formation de l’alliance entre la démocratie française et le tsarisme. Qui fera la part de l’imagination dans la politique ? Qui fera même la part de l’illusion ? La France se trompait quand elle se croyait l’alliée d’un peuple et même d’une race. Elle n’était que l’alliée d’un gouvernement : on s’en est aperçu seulement quand Nicolas II a été renversé. À ce moment-là, d’ailleurs, l’alliance avait donné ses meilleurs résultats. Après nous