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L’ALERTE DE 1920 ET L’AVENIR DES SLAVES

avoir tirés de l’isolement, elle nous avait sans doute aussi retenus sur la pente qui conduisait à une abdication complète vis-à-vis de l’Allemagne. La guerre ayant éclaté, l’armée russe — il faudra toujours lui rendre cette justice — détourna assez de troupes allemandes pour que notre défense devînt possible. Et puis l’aide morale ne fut pas moindre : opprimé par l’idée du nombre, qualité sans quantité, le peuple français avait besoin de savoir qu’une grande masse, un grand réservoir d’hommes était, quelque part dans le monde, avec lui. Quand la Russie fut défaillante, l’Amérique vint à point pour en tenir l’emploi.

Tels sont les services que l’alliance russe nous a rendus. Ils sont loin d’avoir été imaginaires. Cependant l’Allemagne, de son côté, avait fini par prendre peur du slavisme. Le cauchemar russe fournit au moins un prétexte à la guerre de 1914 et un aliment à la colère allemande. Et la guerre commença par la Serbie. C’était comme l’esquisse de la grande coalition slave. Mais depuis ? La Russie avait beau s’être retirée de la lutte par une de ces défections dont elle avait déjà donné l’exemple dans le passé, elle avait beau avoir déserté les alliances dans des conditions qui laissaient peu d’espoir de retour, on a continué à croire en elle. La Russie visible et présente, la Russie rouge était devenue hostile. On se fiait à une Russie idéale, une Russie invisible qui aspirait secrètement à reprendre sa place dans la grande alliance. On ne pouvait se