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CONSÉQUENCES POLITIQUES DE LA PAIX

se réservait de rentrer au pouvoir à la faveur de cette déception. C’est ce qui est arrivé. Mais M. Giolitti ne parle plus du passé. Lord Lans­downe ne souffle plus mot. L’un et l’autre ont été des Keynes avant Keynes et ils n’ont rien changé à rien. Il est à regretter que les Alliés n’aient pas eu une politique plus avisée, plus perspicace et plus inventive, qui leur eût permis de gagner la guerre plus vite et dans de meil­leures conditions. Mais quel qu’ait été le prix payé pour la victoire, quelles que soient les misères de l’heure présente, personne n’ose­rait dire : « Il eût été préférable de conclure une paix blanche avec les Allemands. Il eût même été encore meilleur de se soumettre dès le mois de juillet 1914. Ainsi la merveilleuse horlogerie des importations et des exportations n’eût pas été dérangée ».

Et, de même, l’Europe peut souffrir long­temps de disette. Elle peut être ravagée par les épidémies, menacée de faillite. Les États et les nations n’en continueront pas moins de vivre selon leurs lois. Le jeu des nécessités économiques n’est pas niable, Il se réduit, en der­nière analyse, à la conquête du manger. On peut soutenir que le peuple allemand, en 1914, s’est décidé à la guerre parce que le sol qu’il occupait ne suffisait pas à nourrir 68 millions d’hommes et que cet instinct l’a poussé à courir la grande aventure. Mais si l’Empire allemand n’avait pas eu tels et tels antécédents historiques, telle et telle structure, si l’équi-