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FAUTE DES CHOSES ET FAUTE DES HOMMES

libre des forces en Europe eût été différent, les alliances autrement agencées ou même mieux agencées, si l’Angleterre, au lieu d’être retenue dans l’hésitation par son parti libéral, se fût engagée tout de suite et sans hésitation à intervenir, alors le prix de la viande à Berlin n’eût pas été un motif suffisant pour que l’Allemagne­ courût le risque de la guerre.

S’il y a lieu d’être pessimiste pour l’Europe après le traité, c’est à un autre point de vue que celui de Keynes. Le chaos économique est profond. Mais le chaos politique l’est plus encore. L’indicible misère de la Russie bolcheviste a-t-elle empêché l’armée rouge de se battre ? Le déficit, le discrédit du papier-monnaie ont-ils empêché la Pologne de chercher à dessiner ses frontières ? Sur une vaste surface de l’Europe, dix nations se font la guerre mal­gré la pénurie, le typhus, dans des conditions d’existence épouvantables qui ne devraient laisser aux hommes que le souci du pain quotidien. Or, auprès de cette mêlée des nationalités,­ des religions et des races, il reste l’Alle­magne, seule concentrée, seule homogène, suffisamment organisée encore, et dont le poids, suspendu sur le vide de l’Europe orientale, risque de faire basculer un jour le continent tout entier. Les considérations des économistes ne changeront rien aux effets de ce déséquilibre essentiel. Il est frappant de lire à ce point de vue l’histoire de la Révolution de Thiers. Adonné aux questions de finances où brillait la