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L’IMBROGLIO ADRIATIQUE

Croates et des Slovènes ? L’Italie avait pu se réjouir de la chute de ses vieux ennemis les Habsbourg. Elle avait pu être indifférente à l’élément d’équilibre que l’Europe perdait avec eux. Elle n’y gagnait qu’une concurrente d’une espèce nouvelle, bien plus dangereuse : une jeune nationalité, telle qu’elle-même avait été soixante ans plus tôt lorsqu’elle était l’enfant de prédilection de Napoléon III, qui a été le Vilson de son temps.

Nationalité d’abord, l’Italie est devenue à son tour un État. Selon la doctrine romanesque que la Conférence a constamment appliquée, une nationalité a tous les droits. Un État n’en a aucun. C’est ainsi que l’Italie a été maltraitée et que la nationalité yougo-slave, parce qu’elle était nouvelle, a eu la préférence. Grand trouble, violente indignation dans l’esprit des Italiens qui n’ont pas compris le raisonnement d’après lequel les Croates, qu’ils avaient combattus sous le drapeau des Habsbourg, devaient être­ considérés comme des alliés depuis qu’ils s’étaient fondus avec les Serbes, fondus jusqu’à un certain point, au demeurant. Il est résulté de là, le plus naturellement du monde, que la question de l’Adriatique est devenue à peu près insoluble, ou qu’elle ne pourra recevoir que des solutions incomplètes, provisoires, aussi peu satisfaisantes pour une partie que pour l’autre. De là encore, entre les deux riverains de l’Adriatique, une hostilité per­manente, principe de futures difficultés et de