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Page:Bainville Les conséquences politiques de la paix 1920.djvu/27

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CARACTÈRES DE LA PAIX

M. Clemenceau rappelait les droits et les sacrifices de la France. Il les rappelait avec énergie, mais une énergie un peu monotone parce qu’il appuyait toujours les décisions les plus sévères pour l’Allemagne sans rompre le cercle des idées où s’enfermaient ses deux interlocuteurs, idées auxquelles il croyait assez faiblement sans croire davantage à d’autres. Par là, il réussit seulement à donner à M. Lloyd George et au président Wilson l’impression que la France ressentait une « appréhension nerveuse » à la pensée qu’elle se retrouverait seule en face de l’Allemagne lorsque les Britanniques et les Américains seraient rentrés chez eux[1], et, pour calmer ses inquiétudes « légitimes », comme disait, d’un peu haut, le premier ministre anglais, Britanniques et Américains avaient promis de revenir en cas d’  « agression non justifiée ». Telle fut la « garantie » ajoutée, à la dernière heure, au traité de Versailles.

Prodigieuse puérilité d’hommes pourtant plus que mûrs. Ils supposaient donc que les choses recommenceraient telles qu’ils les avaient vues ? Qu’il y aurait encore une dépêche d’Ems ou un assassinat d’archiduc et que l’Alle­magne pourrait attaquer la France à visage découvert comme en 1870 et en 1914 ? Alors ils admettaient aussi qu’ils avaient laissé l’Europe dans le même état que le jour où la guerre avait éclaté. Il y avait là, peut-être, pour les négo-

  1. Même discours de M. Lloyd George sur la paix, 3 juillet 1919.