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Page:Bainville Les conséquences politiques de la paix 1920.djvu/35

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CARACTÈRES DE LA PAIX

nouveau, rendre impossible l’équipement d’une armée semblable. » Alors ce serait assez. L’Allemage ne serait plus l’Allemagne. Faible raisonnement, indigne d’un homme d’État. Napo­léon avait fait le même au sujet de la Prusse, et l’on pourrait trouver curieux que M. Wilson, M. Lloyd George et M. Clemenceau eussent renouvelé l’erreur de ce militaire-type si Napo­léon n’avait pris ses idées générales au dix­-huitième siècle, c’est-à-dire aux mêmes sources qu’eux.

C’est la nature même de la Prusse, pays de colonisation et de conquête, qui a créé le mili­tarisme prussien. Les chevaliers de l’Ordre teutonique ont précédé les Hohenzollern. Ils leur ont légué un besoin et un instrument. Sur les frontières incertaines et toujours disputées du germanisme et du slavisme, dans un pays sans limites naturelles, ouvert aux quatre vents, la force militaire est une nécessité. Le Heimat­schuz s’est constitué sous nos yeux par une création presque spontanée, comme un Ordre teutonique de la démocratie. Les débris de l’an­cienne armée impériale, les bande dérobées au licenciement ont trouvé refuge dans les ter­ritoires des confins, en Prusse occidentale et orientale. Peut-être de nouvelles formes de militarisme sont-elles en train de naître là. Il ne manquera que l’occasion et l’homme qui mettront ce militarisme en mouvement. Si Stein et Scharnhorst avaient réorganisé une armée prussienne avec des principes nouveaux, le